Relations de sous-traitance internationale et conditions de travail dans les pays en développement
Brahim Idbendris & Bouchra Debbagh
Volume : 79-1 (2024)
Résumé
L'article intitulé « Relations de sous-traitance internationale et conditions de travail dans les pays en développement : une enquête auprès des PME de l’industrie du textile au Maroc » de Brahim Idbendris et Bouchra Debbagh examine les impacts de la sous-traitance internationale sur les conditions de travail dans les pays en développement, en se concentrant sur les PME marocaines du secteur textile. Cette étude est particulièrement pertinente dans un contexte où la mondialisation pousse les grandes entreprises à externaliser leur production vers des pays où les coûts de main-d'œuvre sont plus bas, souvent au détriment des conditions de travail.
Dégradation des conditions de travail et contradictions
L'étude confirme l'hypothèse que la sous-traitance internationale conduit souvent à une détérioration des conditions de travail dans les PME des pays en développement. Les auteurs expliquent que « les entreprises sous-traitantes marocaines, en raison des pressions de coûts et de délais imposées par les donneurs d'ordre étrangers, peinent à respecter les normes de responsabilité sociale des entreprises (RSE) ». Cette situation est aggravée par le fait que les grandes entreprises, bien qu'elles soient conscientes des impacts sociaux, priorisent la réduction des coûts de production, ce qui entraîne une pression accrue sur les sous-traitants.
Or les PME marocaines sont confrontées à une injonction contradictoire : d'une part, elles doivent se conformer aux exigences de RSE imposées par les donneurs d'ordre, et d'autre part, elles sont soumises à une pression pour maintenir des coûts de production très bas. Les auteurs soulignent que « cette double contrainte rend difficile pour les sous-traitants de concilier performance économique et respect des normes sociales ». Par conséquent, beaucoup de ces entreprises optent pour des stratégies minimales de conformité, souvent symboliques, sans véritable engagement en matière de conditions de travail.
Devant les grandes entreprises, la responsabilité sociale est un luxe
L'étude montre également que les PME qui tentent de mettre en œuvre des pratiques RSE se trouvent souvent désavantagées sur le plan compétitif. Les auteurs notent que « les entreprises qui investissent dans l'amélioration des conditions de travail peinent à rester compétitives, car elles sont en concurrence avec des sous-traitants qui ne respectent pas ces normes ». Cette situation renforce l'idée que la RSE, dans le contexte de la sous-traitance internationale, est perçue par beaucoup comme un luxe que seules les entreprises les plus rentables peuvent se permettre.
Toutefois, les grandes entreprises ne jouent pas toujours leur rôle dans l'amélioration des conditions de travail chez leurs sous-traitants, souvent en raison d'un manque de mécanismes de contrôle efficaces et d'une absence de volonté politique pour imposer des normes strictes. Brahim Idbendris et Bouchra Debbagh observent que « malgré les discours sur la responsabilité sociale, les pratiques réelles des donneurs d'ordre montrent une préoccupation principalement centrée sur la réduction des coûts ».
Les auteurs concluent en appelant à une réglementation plus stricte et à une plus grande transparence dans les chaînes d'approvisionnement mondiales pour garantir des conditions de travail décentes dans les PME sous-traitantes. « Il est nécessaire de créer des mécanismes de gouvernance internationale qui obligent les grandes entreprises à assumer leur part de responsabilité sociale, non seulement dans leurs propres opérations, mais aussi tout au long de leur chaîne d'approvisionnement ».