The New Resource Management in U.S. Workplaces: Is it Really New and is it Only Nonunion?
Casey Ichniowski, John T. Delaney et David Lewin
Volume : 44-1 (1989)
Résumé
Depuis quelques années, on parle beaucoup d'une nouvelle philosophie de gestion dans les entreprises américaines. Forcées par la concurrence accrue d'entreprises étrangères ou locales ainsi que par la déréglementation, les organisations ont choisi de changer la façon avec laquelle elles dirigent leurs employés. Afin d'obtenir de meilleures performances, la nouvelle philosophie préconise, entre autres choses, le travail en équipe, la gestion participative et moins de bureaucratie. Malgré toute l'attention apportée dans la littérature contemporaine, peu de recherches se sont intéressées à découvrir l'étendue de ce phénomène dans les entreprises.
Notre étude vise à combler cette lacune en dévoilant les résultats de la première recherche exhaustive portant sur les politiques et pratiques de gestion des ressources humaines dans les entreprises, autant syndiquées que non syndiquées, aux États-Unis. Contrairement aux prétentions de certains observateurs, nos résultats suggèrent qu'il est pour le moins prématuré de parler de l'existence d'un « nouveau modèle » de gestion des ressources humaines dans les entreprises non syndiquées. Au mieux, ces affirmations ne sont que partiellement fondées et dans une certaine mesure, elles sont même trompeuses. En guise d'illustration, même s'il est vrai qu'il existe des différences significatives dans la probabilité que certaines entreprises syndiquées et non syndiquées adoptent des pratiques de gestion des ressources humaines différentes, ces différences se retrouvent surtout sur des sujets couverts par la négociation collective, telles l'ancienneté lors des promotions et des mises à pied, les procédures de règlement des griefs et les définitions rigides des postes de travail et des corps d'emploi. De telles différences avaient d'ailleurs été reconnues depuis fort longtemps.
Il n'y a pas beaucoup de différence entre entreprises syndiquées et non syndiquées sur des sujets importants non inclus dans les contrats de travail tels les enquêtes d'opinions, les programmes de partage d'information ou de qualité de vie au travail. Les entreprises syndiquées sont tout autant susceptibles d'adopter de telles pratiques de gestion que les entreprises non syndiquées. De plus, les similarités et les différences observées ne dépendent pas des caractéristiques du produit ou de l'industrie.
Ensuite, les « modèles » de GRH syndiques et non-syndiqués ne s'appliquent pas nécessairement à toutes les entreprises syndiquées et non-syndiquées, même dans les cas où les politiques de personnel ont été pendant longtemps différentes selon les deux types d'entreprise. Par exemple, une minorité non négligeable d'organisations syndiquées accorde une place importante au mérite dans les promotions et utilise des systèmes flexibles de description des postes de travail.
D'autre part, plusieurs organisations non syndiquées accordent les promotions et effectuent les mises à pied sur la base de l'ancienneté et possèdent également des procédures de règlement des griefs pouvant même aller jusqu'à l'arbitrage exécutoire des décisions par une tierce partie. Qui plus est, il est à remarquer que les politiques « progressistes » de GRH ne sont pas aussi répandues qu'on pourrait le croire dans les entreprises non syndiquées. Ainsi, même si ces dernières sont plus susceptibles de posséder des systèmes flexibles de description des postes de travail que les entreprises syndiquées, plus de 60 % d'entre elles ne possèdent pas encore de tels programmes.
En troisième lieu, notre questionnaire contenait de l'information relative à la date d'implantation de ces différentes politiques de GRH, tels les programmes d'évaluation du rendement, les systèmes flexibles de description des emplois, les procédures de règlement des griefs et les initiatives de QVT ou de participation des employés. Cette information nous a permis de savoir jusqu'à quel point de telles politiques étaient réellement « nouvelles» dans les deux types d'entreprise. Les résultats suggèrent que, dans bien des cas, ces activités n'étaient pas particulièrement nouvelles. Même si la plupart des entreprises non syndiquées utilisant des politiques progressistes de GRH avaient implante celles-ci après 1960, plusieurs autres l'avaient fait depuis plus longtemps. À titre d'exemple, de 15 % à 20 % des entreprises non syndiquées possédaient une procédure de règlement des litiges, un programme d'appréciation du rendement ou un système flexible de description des emplois avant 1960 et, dans certains cas, ces expériences remontaient jusqu'aux années 1930 et 1940.
Enfin, et contrairement aux autres politiques de GRH, les expériences de participation des employés sont, dans tous les cas, des phénomènes récents. De plus, le fait que les entreprises syndiquées soient tout autant susceptibles de posséder des programmes de qualité de vie au travail que les entreprises non syndiquées ne semble pas le résultat d'efforts déployés par celles-là pour imiter des politiques efficaces développés par celles-ci. En bref, les programmes de participation des employés ont été implantes en moyenne en 1980 et ceci autant dans les entreprises syndiquées que dans celles non syndiquées. Même dans le cas d'entreprises comprenant des usines syndiquées et d'autres non-syndiquées, la date d'implantation de tels programmes a été à peu près la même dans les deux cas.
En conclusion, notre étude a permis d'évaluer plusieurs affirmations et spéculations à propos des nouvelles politiques de gestion des ressources humaines dans les entreprises syndiquées et non syndiquées. Même si les résultats révèlent des similarités et des différences intéressantes dans les politiques de GRH, ils suggèrent également d'autres conclusions. Parmi les plus significatives, signalons que généralement, les entreprises américaines, autant syndiquées que non syndiquées, ne semblent pas partager les recommandations des observateurs quant aux politiques appropriées de gestion des ressources humaines. L'entreprise moyenne dans notre échantillon utilise des politiques basés sur des principes qui l'ont guidé depuis plusieurs années. Les pratiques actuelles ne confirment pas l'existence d'un « nouveau » modèle, tant dans les milieux syndiques que non-syndiqués.