Les technologies numériques comme source de revitalisation démocratique : une étude auprès des responsables des communications d’organisations syndicales
Marc-Antonin Hennebert, Vincent Pasquier, Christian Lévesque
Volume : 76-4 (2021)
Résumé
Notre article s’intéresse à la façon dont les syndicats se saisissent des technologies numériques d’information et de communication (TNIC) pour expérimenter de nouvelles pratiques démocratiques au sein de leur organisation. Il vise à comprendre comment ces expérimentations façonnent les manières de faire et de penser de la démocratie représentative, participative et délibérative. Notre approche théorique s’inspire de l’approche expérimentaliste et des travaux sur la démocratie digitale. Sur le plan empirique, notre article repose sur la réalisation d’entretiens semi-dirigés auprès des responsables des communications de treize organisations syndicales au Québec et analyse comment ces responsables utilisent et mobilisent les TNIC pour améliorer l’efficacité des pratiques démocratiques, pour accroître l’étendue et l’intensité de la participation et de la mobilisation collective et pour mieux agréger les intérêts et les préoccupations des différentes parties prenantes. Alors que des travaux précédents sur la démocratie digitale avaient formulé l’hypothèse d’une horizontalisation des pratiques démocratiques sous l’effet des TNIC, nos résultats soulignent que les TNIC peuvent s’avérer une source de revitalisation de la démocratie représentative en fluidifiant notamment les processus de communication interne. Elles semblent également contribuer au renouvellement des pratiques de démocratie participative et délibérative, à la fois comme levier de mobilisation, mais aussi comme outil de cadrage et de diffusion du discours syndical. En revanche, nos résultats font ressortir les limites importantes des effets de l’intégration de ces TNIC qui, pour l’heure, n’amène pas à une transformation radicale du fonctionnement démocratique des syndicats. Les expérimentations menées pour créer des espaces de délibération pour les personnes sans-voix, notamment les jeunes, les femmes et les minorités visibles, restent rarissimes. En ce sens, les TNIC sont rarement utilisées pour agréger les intérêts des groupes marginalisés et sous-représentés. Pourtant, la revitalisation de la démocratie syndicale passe avant tout par l’inclusion de ces personnes sans-voix dans les processus de délibération et de participation.