Éclairage par le commun des conditions organisationnelles pour la pérennité des communautés de pratique
Kévin Pastier, Victor Combes, Michel Dalmas et François Silva
Volume : 78-1 (2023)
Résumé
Les communautés de pratique (CoP) sont des groupes professionnels engagés dans une praxis commune de travail, favorisant l'échange de connaissances et d'apprentissage entre pairs. Cependant, la pérennité et la qualité alternative des CoP sont remises en question par la littérature, qui souligne leur tendance à dégénérer sous la pression managériale ou par banalisation organisationnelle interne. Cet article de Kévin Pastier, Victor Comes, Michel Dalmas et François Silva, propose une relecture de cette approche déterministe en utilisant la théorie des communs, offrant ainsi un nouveau cadre pour étudier la possibilité et la pérennité d'une action collective auto-organisée.
Pour comprendre les conditions d'auto-organisation et de pérennité des CoP, une méthodologie mixte a été utilisée. Une première étude qualitative a observé et analysé deux CoP, tandis qu'une collecte de données quantitative a été menée dans un deuxième temps auprès de sept autres communautés.
Un élément central de ce texte est le rejet des approches déterministes dans l’analyse des communautés de pratiques. Les auteurs vont prioriser ici un cadre théorique qui positionne le Commun comme une activité dite de Commoning donc de relation et de transformation permanente avec le milieu. Ce qui est étudié est donc vu comme une pratique sociale particulière, voir un processus circulaire assurant sa propre reproduction.
En intégrant les CoP dans un cadre démocratique plus large, l'article propose de les considérer comme des unités de base d'une entreprise démocratique et polycentrique. La théorie des communs offre des pistes pour envisager l'entreprise en tant que commun, avec une gouvernance collective polycentrique basée sur des arènes locales de discussion.
Assurer la pérennité d’un commun dépend donc d’un organizing particulier des CoP. Différentes conditions organisationnelles vont ainsi en favoriser la réussite. Une relation significative a été démontrée autour des composantes suivantes : cohésion entre les membres, la production de connaissances par la satisfaction et l’apprentissage...
Cependant, l'article souligne également que la reproduction organisationnelle partielle compromet la pérennité des CoP. L'arrivée d'un sponsor ou l'intégration de pratiques de la structure formelle peuvent altérer l'organizing atypique mis en place par la CoP, conduisant à son déclin. Il y a donc un risque important lorsque l’organisation agit comme Sponsor et place la communauté comme un outil au service de la stratégie élaborée par la direction.
En conclusion, cet article remet en question l'approche déterministe de la pérennité des CoP en utilisant le cadre théorique des communs. Il met en évidence l'importance des conditions organisationnelles internes et externes pour la pérennité des CoP, tout en soulignant la nécessité d'une transformation démocratique de l'entreprise.