Droit du travail et droits du travailleur en Chine : de quelles normes du travail parle-t-on?
Muriel Périsse
Volume : 77-2 (2022)
Résumé
L’étude du droit du travail restauré au cours de la transition économique chinoise nous montre que, comme ailleurs à d’autres époques, il accompagne le développement capitaliste. Par une approche empruntée à l’économiste institutionnaliste J. R. Commons, nous cherchons à montrer l’importance du lien économie-droit appliqué à la construction du marché du travail. Ce dernier ne découle pas de mécanismes spontanés (qui produisent du conflit, du désordre, comme le démontre le sort des travailleurs migrants ruraux), mais a besoin que les termes des échanges soient définis par le droit. Or le droit du travail reflète les choix qui sont faits par l’État concernant les droits du travailleur à protéger. Dans le cadre d’un régime autoritaire tel que la Chine, ces droits sont subordonnés au projet de « société harmonieuse » porté par le Parti communiste, une société sans conflit où est mis en avant le droit au développement comme alternative à la norme universelle contestée des droits de l’homme. Cependant face à la permanence des conflits sociaux et au doute quant au droit pour assurer une société apaisée, ce n’est pas dans la recherche d’une meilleure application du droit du travail que les solutions sont recherchées (assurer la liberté d’association et de négociations collectives), mais dans le développement d’un dispositif extensif et invasif de contrôle social (le « management social ») qui finit par se retourner contre les travailleurs. In fine, cette étude illustre comment se configurent les nouvelles institutions du travail, à la fois dépendantes du contexte particulier et héritières de l’histoire socialiste de la Chine.
Mots clés:
- Chine,
- droit,
- normes du travail,
- économie institutionnaliste,
- marché du travail,
- Commons