Discrimination professionnelle, croyance en un monde juste et désengagement vis-à-vis du travail
Bernard Gangloff & Rabie Fares
Volume : 79-1 (2024)
Résumé
L'article intitulé « Discrimination professionnelle, croyance en un monde juste et désengagement vis-à-vis du travail » de Bernard Gangloff et Rabie Fares explore les effets psychologiques de la discrimination professionnelle sur les employés, en particulier ceux d'origine maghrébine en France. Ce texte se concentre sur deux concepts clés : la croyance en un monde juste (CMJ) et le désengagement psychologique au travail. Les auteurs vont s’interroger sur la manière dont les employés, confrontés à des situations de discrimination, gèrent ces expériences et comment cela influence leur perception du monde du travail.
La privation relative et la croyance à un monde juste
L'étude examine deux types de privation : la privation intergroupale (où un employé est défavorisé par rapport à un collègue d'origine différente) et la privation intragroupale (où l'employé est défavorisé par rapport à un collègue du même groupe ethnique). Il est constaté que dans une situation de privation intergroupale, la discrimination est plus facilement reconnue, quelle que soit l'expérience antérieure des employés.
Dans une situation de privation intragroupale, les résultats sont différents : les employés qui nient avoir été discriminés ont tendance à croire davantage en un monde juste et à dévaloriser le travail.
Mais donc, comment définir la croyance à un monde juste? C’est une croyance selon laquelle le monde est fondamentalement juste et que les gens obtiennent ce qu'ils méritent. Elle peut avoir une fonction de mécanisme de défense pour protéger l'estime de soi des individus qui font face à des injustices. Les auteurs expliquent que « la CMJ fonctionne comme un bouclier cognitif préservant la santé mentale et le bien-être en permettant à l’individu de se protéger contre la fragilité du système dans lequel il vit ». Cependant, dans le contexte de la privation intragroupale, cette croyance peut également conduire à une dévalorisation du travail, les employés cherchant à justifier leur situation en minimisant l'importance de leur travail.
Le désengagement psychologique
Le désengagement psychologique est une stratégie de défense où les employés se distancient mentalement de leur travail pour protéger leur estime de soi. Ce désengagement peut se manifester par une dévalorisation du travail et une réduction de l'engagement envers l'organisation. L'étude montre que « le fait de nier avoir été victime de discrimination amène les personnes désavantagées à croire davantage en un monde juste », mais cela s'accompagne d'une dévaluation de la valeur du travail.
La reconnaissance ou le déni de la discrimination a des conséquences différentes selon le contexte. Dans une situation de privation intergroupale, la reconnaissance de la discrimination peut conduire à un sentiment d'injustice, mais aussi à une remise en cause du système social. En revanche, dans une situation de privation intragroupale, le déni de la discrimination permet de maintenir une croyance en un monde juste, mais au prix d'une dévalorisation du travail et d'une potentielle baisse de l'estime de soi.
Implications pour les gestionnaires
Les résultats de cette étude sont particulièrement pertinents pour les gestionnaires et les professionnels des ressources humaines. Ils montrent l'importance de reconnaître et de traiter la discrimination sur le lieu de travail, non seulement pour des raisons éthiques, mais aussi pour prévenir le désengagement des employés et la dégradation de l'estime de soi. Bernard Gangloff et Rabie Fares suggèrent que « les résultats obtenus permettront d’alimenter la réflexion, et par suite les conduites, non seulement des personnes sujettes à de la discrimination, mais également des praticiens en prise avec les situations qu’elles évoquent ».