Decentralization in the Public Sector: The Case of the U.K. National Health Service
James Arrowsmith et Keith Sisson
Volume : 57-2 (2002)
Résumé
La décentralisation dans le secteur public : le cas du Service national de santé du Royaume-Uni
La décentralisation de l’autorité du management, et avec elle les relations industrielles, est l’un des développements des organisations possiblement dès plus profond et dès plus international, cela incluant le secteur public, au cours de la dernière décennie et plus. Vers la fin de 1980 et au début des années 1990, c’était comme si tous les pays développés étaient aux prises avec une nouvelle orthodoxie qui exigeait, si ce n’était pas la privatisation des services publics, l’imposition des rapports de marché et un contrôle managérial plus serré via la décentralisation. Étant l’un des postes budgétaires le plus lourd, le secteur de la santé se retrouvait souvent à l’avant garde de la réforme. L’expérience du Royaume-Uni tient lieu d’un cas à caractère paradigmatique. Cet article analyse ce que des « fiducies » nouvelles et quasi-indépendantes du service de santé ont fait de leur liberté nouvellement acquise dans le domaine de la gestion du travail, en se centrant sur la rémunération et l’aménagement du temps de travail des groupes les plus nombreux de salariés. Pour étudier la réalité de la décentralisation de la gestion, on a ciblé la gestion des ressources humaines (GRH) et aussi les relations du travail. Les résultats nous permettent de constater que l’incertitude de l’environnement et les tendances sectorielles vers l’isomorphisme ont perverti la politique de rémunération inspirée par l’instance centrale, sans cependant empêcher l’émergence d’initiatives à l’égard du temps de travail originant de la base en matière de ressources humaines.
La recherche consistait en une cueillette de données, associée à de nombreuses études de cas, pour saisir la nature élaborée et vaste du changement dans la rémunération et dans le temps-travail. L’enquête a été communiquée à chaque année, avec la collaboration de l’exécutif du National Health Service (NHS), au directeur des ressources humaines ou à son homologue dans les 450 nouvelles « fiducies » du NHS. La plupart des questions renvoient à la catégorie occupationnelle la plus vaste en vue d’analyser de près les principaux enjeux sans rendre le questionnaire trop complexe. La plus grande partie des répondants de l’année 1998 (87 %) était celle des infirmières, incluant le personnel de support affecté aux soins. La seconde source de données provenait d’une série d’entrevues semi-dirigées effectuées dans sept fiducies au début de 1998, quelques unes parmi celles-ci basées sur des entrevues antérieures effectuées en 1996. Les fiducies étaient choisies à partir des retours d’enquête de façon à représenter largement différents types de caractéristiques et d’activités.
Sous un aspect, l’influence de la décentralisation est nettement documentée par la croissance marquée des contrats d’emploi spécifiques aux fiducies et de l’évaluation des postes. Cependant, presque toutes les fiducies en 1998 appliquaient les échelles nationales de salaires qui continuaient d’exister sous la législation de protection de l’emploi au moment de la mutation des employés. Également, l’enquête révélait quelques autres écarts des aménagements nationaux de la rémunération. Le moment et le niveau de compensation qui prévalaient en 1998 demeuraient généralement les mêmes, de même que dans les différentes régions, que le personnel soit assujetti ou non à des contrats nationaux ou locaux. En dehors de la « ronde » de rémunération elle-même, l’influence limitée de la rémunération locale s’expliquait plutôt par le fait que les différences dans les gains tendaient à refléter les éléments traditionnels de la rémunération au lieu des ajustements pour le rendement, les habiletés et les compétences. La rémunération au mérite et celle associée à l’appréciation individuelle étaient mentionnées dans quelques cas seulement, traduisant ainsi l’opposition du syndicat et les problèmes pratiques inhérents à la mesure du rendement du personnel pour des fins de rémunération. De plus, tous les répondants, sauf un, qui ont fait l’objet d’une rémunération tenant compte d’une appréciation, ont mentionné que cela concernait un petite minorité de la main-d’oeuvre.
Une embûche importante à la mise en place de la rémunération locale résidait dans le fait que les fiducies ne disposaient pas de réserves budgétaires pour supporter les coûts de transition. De plus, des contrats de services avec des fournisseurs étaient habituellement reconduits sur une base annuelle, rendant ainsi extrêmement pénible l’occasion de planifier un changement majeur. Les fusions locales de fiducies venaient compliquer l’élaboration de systèmes de rémunération spécifiques à chaque fiducie. Au plan national, l’incertitude entourant les tergiversations d’un gouvernement Conservateur à l’endroit de la rémunération locale se trouvait exacerbée par la perspective d’un gouvernement Travailliste prônant le retour à des aménagements nationaux de rémunération.
On observa néanmoins des changements importants dans le sens d’une amélioration de la flexibilité et la réduction des coûts du temps supplémentaire. Le changement le plus important et le plus habituel, du moins pour les infirmières, se manifestait dans un accroissement du travail à temps partiel. D’autres types d’accroissement de la flexibilité au plan de l’aménagement du temps de travail consistaient dans la mise en place du travail posté et des variations des contrats dits « d’heures annualisées ». L’augmentation du travail à temps partiel visait à élargir le réservoir de main-d’oeuvre disponible et à améliorer le recrutement et la rétention du personnel. Dans bien des cas, l’aménagement du temps de travail, plus précisément pour les travailleurs à temps partiel, devenait effectivement une négociation « cas par cas » entre les infirmières individuelles et les directeurs de salles. Les représentants syndicaux s’impliquaient seulement lorsque qu’un problème inusité se présentait ou lorsque qu’une question de principe devenait un enjeu.
Un objectif important qui servait d’assise à la création de fiducies consistait dans la délégation de responsabilités au service de GRH, plus particulièrement en matière de rémunération au niveau local. L’échec de la rémunération locale était attribué à des évènements hors du contrôle des directeurs des fiducies en autant que le contexte financier et celui de la négociation étaient concernés, de même que la continuité des termes de références en matière de relations du travail à l’échelle nationale. Les directeurs plus âgés étaient aussi accaparés par des enjeux de l’ordre, par exemple, des fusions de fiducies et ces derniers ne voulaient habituellement pas s’engager dans une confrontation avec les catégories principales de l’effectif. Cependant, et ce point a été négligé dans les écrits, ces contraintes n’ont pas engendré une marginalisation des RH au sein des fiducies. Elles n’ont pas empêché non plus l’émergence de changements importants, particulièrement au plan des initiatives en matière de temps de travail, dans lesquelles se trouvait revalorisé de manière subtile le rôle des RH dans leurs rapports avec la ligne hiérarchique. De plus, ces changements se sont produits à travers les fiducies comme le résultat de réseaux de direction et d’une avancée de la part des RH. En ce sens, le processus d’isomorphisme oeuvrait de façon à renverser l’initiative du sommet vers la base en matière de rémunération locale, mais il tendait par contre à diffuser les initiatives de la base vers le sommet en matière de temps de travail.
Tout ceci aura beaucoup d’impact sur la politique et la recherche dans le futur, impact qui demeurera significatif au-delà du contexte de l’objet de l’étude à l’échelle sectorielle ou nationale. Une idée largement répandue est à l’effet que la GRH du secteur public est complaisante, obsédée par les coûts, et lente à introduire des changements parce qu’il s’agit là d’un environnement fortement politisé, qui échappe à la dynamique des forces du marché. Nos données recueillies laissent croire que cela peut être juste seulement lorsque le centre d’intérêt devient la négociation collective. Une deuxième implication ou impact a trait à la politique publique. La décentralisation ne règle pas le problème en lui-même. De fait, et dans des termes de rémunération, il existe une logique particulière à disposer d’aménagements nationaux plutôt que locaux dans les grandes organisations du secteur public. Cependant, cela pourrait susciter un changement plus marqué à la fois sur l’organisation du travail et le temps de travail, en partie par le biais de nouveaux rôles pour la fonction RH.